Ce matin, nous avons retrouvé Gede Cengir pour une journée tout à l’ouest, partie sud de Bali chez Herry, un autre chauffeur anglophone Balisolo, à Negara. Sur la route, nous nous sommes arrêtés à Medewi, idéale pour le surf apparemment, dont je vous parlerai dans un prochain article.
Découverte de Negara, un joyau bien loin du tourisme que l’on connaît
Negara se trouve dans la partie occidentale de Bali, Bali Barat (l’ouest de Bali), en Indonésie. C’est la capitale du kabupaten de Jembrana.
C’est par ici, à la pointe, qu’on trouve le port de Gilimanuk où l’on peut prendre le ferry pour Banyuwangi, port d’accueil à Java. Pour s’y rendre depuis Kuta, on passe par Mengwi, Tabanan et Medewi notamment, ces noms de villes vous sont peut-être plus familiers.
Avant 1963, Negara était un grand centre économique, qui a ensuite perdu de son intérêt quand le port de Gilimanuk a été construit.
Je pense qu’on peut dire que tout le kapubaten de Jembrana a été laissé au second plan par les institutions, en faveur des côtes Est et Sud. D’ailleurs, je me demande si c’est une bonne ou mauvaise nouvelle dans la mesure où la vie balinaise sans touriste se trouve vraiment ici, un mieux pour certains. Certes, ses routes sont très empruntés par les camions de marchandises qui roulent entre Java et Bali mais on y croise très peu de touristes (aucun pour ma part hier) et ça fait du bien après deux jours à Kuta.
En bahasa Indonesia, Negara veut dire « pays ». En balinais, on prononce « neu-ga-ré » qui veut dire « petite ville (presque) en dehors de Bali ». C’est une ville multiculturelle, à la fois musulmane, chrétienne , bouddhiste et hindouiste.
C’est la première fois que je vais à Negara city. Herry m’y invite depuis des années, il était important que je m’y rende durant ce voyage.
Un passé riche et une grande diversité culturelle
Negara est un exemple remarquable de coexistence entre les communautés musulmane, chrétienne, bouddhiste et hindouiste. Cette diversité religieuse se reflète dans l’architecture locale, les traditions et les célébrations. Herry est capable de me dire qui habite dans chaque maison : hindous (avec les temples à l’entrée, les Muslims (pas d’animaux aux alentours – je vous rassure, ce n’est pas son critère de distinction) ou bien les chinois.
La région « subit » une très forte influence javanaise, notamment dans la langue, la cuisine et certains aspects de l’architecture.
Herry me fera remarquer que les Bugis, grands navigateurs de Sulawesi ont aussi beaucoup influencé les us et coutumes de la ville.
Qui sont les Bugis ?
Les Bugis sont un peuple indonésien originaire de la partie sud de l’île de Sulawesi, anciennement appelée Célèbes. Réputés pour leurs compétences maritimes, ils ont joué un rôle essentiel dans l’histoire maritime de l’archipel indonésien, et même au-delà (en Malaisie, aux Philippines, et même jusqu’à Madagascar). Une partie de la population bugis s’est sédentarisée dans différentes régions d’Indonésie, y compris à Bali. Ces migrations ont contribué à enrichir la diversité culturelle de l’île.
Navigateurs hors pair, les Bugis sont considérés comme l’un des peuples marins les plus habiles d’Asie du Sud-Est. Leurs connaissances en navigation, leur capacité à construire des navires solides et leur résistance ont fait d’eux des commerçants (d’épices, textiles et autres marchandises précieuses) et des explorateurs renommés. A titre d’exemple, leur bateau traditionnel, le pinisi, est une véritable prouesse de construction navale. Ces navires entièrement construits en bois, sont capables de parcourir de longues distances et de résister aux tempêtes.
La culture bugis est profondément marquée par la mer. Leurs mythes, leurs légendes et leurs arts sont souvent liés à la navigation, aux voyages et aux échanges commerciaux.
Connaissez-vous l’histoire du Galigo ?
C’est une épopée indonésienne d’une longueur vertigineuse, considérée comme l’une des plus longues œuvres littéraires au monde. Elle raconte la création du monde, les aventures de héros légendaires et les exploits de dieux et de déesses. Le cœur de l’histoire tourne autour de Sawerigading, un prince aux multiples talents qui incarne l’esprit aventurier des Bugis. Cette épopée, transmise oralement pendant des siècles avant d’être écrite, est un trésor culturel qui reflète les valeurs et les croyances de ce peuple marin. Elle est aujourd’hui reconnue par l’UNESCO comme un patrimoine de l’humanité.
Les richesses de Negara
Negara et ses alentours sont réputés pour leur agriculture (noix de coco,, bananes, chocolat, café…), la pêche, les courses de buffles, le trekking en forêt tropicale, les mangroves… On trouve peu de rizières en terrasse ici car, vous le verrez en y allant, c’est assez plat mais la campagne y est luxuriante.
Concernant les mangroves, Herry me dit qu’on en trouve de différents types ici. Une mangrove est un écosystème unique et essentiel qui se développe sur les côtes tropicales et subtropicales. Elle est composée d’arbres et d’arbustes spécifiques, capables de pousser dans l’eau salée.
Elles jouent un rôle crucial pour l’environnement et les populations locales, notamment en protégeant les côtes (barrière naturelle contre l’érosion, les tempêtes, les tsunamis et la montée des eaux) car leurs racines entrelacées stabilisent les sédiments et atténuent la force des vagues. Les mangroves ont aussi une capacité remarquable à filtrer l’eau de mer et à retenir les sédiments, améliorant ainsi la qualité de l’eau et protégeant les récifs coralliens. Elles abritent une biodiversité exceptionnelle. Elles sont des nurseries pour de nombreuses espèces de poissons, de crustacés et d’oiseaux. Elles fournissent des ressources essentielles aux populations locales, comme du bois de construction, du bois de chauffage, des fruits et des produits de la pêche.
Les voyageurs à la recherche d’authenticité découvriront ici la vie rurale balinaise.
Une après-midi entre ami.e.s
Cet après-midi chez Herry, nous avons déjeuné, écouté Herry et son frère Johnny jouer des classiques de Dire Straight ou des balades balinaises à la guitare (on adore la guitare et Herry est particulièrement doué, il vient d’une famille de musiciens).
Herry accueille aussi une partie des oiseaux de son voisin chinois commerçant. Il y avait ce jour là un oiseau très rare de Sumatra (qui vaut une fortune, au moins 10 millions de roupies indonésiennes !) qu’on appelle « murai batu« , très réputé pour son chant envoûtant.
Savez-vous pourquoi les balinais ont toujours des animaux dans leur cour ?
Pour divertir les fantômes ! Oui, car, je ne vous apprends rien, les balinais croient aux esprits et pensent qu’ils visitent les maisons, souvent. Aussi, avoir un oiseau ou des poulets au sol permet de divertir les fantômes afin qu’ils n’embêtent pas les humains.
La plage de Perancak, la douceur et le sel
Nous avons aussi rejoint la plage Perancak.
Historiquement à Negara, à la rencontre de la rivière Hijo Garding et de l’océan indien, de l’eau douce et de l’eau salée, il y avait beaucoup de crocodiles. Ceux ci ont été retirés de cet habitat car ils faisaient trop de victimes. Ils ont été renvoyés à Darwin car il s’agissait de la même espèce paraît-il. Ne me demandez pas comment…
Le chemin pour se rendre à cette immense plage (non entretenue malheureusement) est absolument superbe, surtout après les fêtes (c’était Kuningan il y a quelques jours).
Côté rivière, on trouve beaucoup de bateaux Bugis dont certains sont encore en état de marche (pour les autres, le bois, souvent du Tek, bien plus solide que le bois des jukung, est souvent transformé e.n meubles ; vous reconnaîtrez peut-être les couleurs dans certains restos d’Ubud ou du sud).
La navigation par paire des pinisi
Les pinisi, les bateaux Bugis, naviguent toujours par paire, signe du pragmatisme et savoir-faire maritime des Bugis. En effet, la navigation par paire présente des avantages symboliques mais aussi pratiques :
- Symbolique du couple, Yin et Yang, masculin et féminin, les deux bateaux représentant cette dualité complémentaire, assurant equilibre et harmonie ;
- Protection, c’est une sorte de surveillance mutuelle, ils peuvent se prêter assistance en cas de besoin ;
- Coopération se répartissant les tâches, augmentant l’efficacité et permettant une meilleure coordination lors des opérations de pêche ;
- Éclairage : les Bugis pêchant souvent la nuit, avoir deux bateaux permet d’avoir plus de sources de lumière, facilitant ainsi la localisation des bancs de poissons et la navigation.
Les Bugis sont incroyables.
Les au-revoir de Negara
Avant de reprendre la route une fois la nuit tombée, Herry nous a fait des frites et des nuggets, offert des tenues de cérémonie et souhaité un bon retour.
Je ne l’ai pas encore mentionné sur sa fiche mais Herry peut vous proposer aussi du trekking et du camping, c’est une aventure unique dans cette partie de Bali. N’hésitez pas à le contacter.
Au niveau des logements, Johnny m’a parlé de quelques bons homestays. Il n’y a pas de grands complexes hôteliers mais si vous arrivez jusque là, c’est que vous tentez de les fuire.
J’espère vous avoir donné envie de visiter l’ouest sud de Bali et notamment Negara, l’envie aussi de dépasser totalement les zones touristiques et d’aller vers la vie rurale balinaise et un autre savoir vivre. Dites moi en commentaire quels sont vos projets ☺️
A très vite,
Jenni
Merci pour ce très long compte rendu de voyage qui m’a captivée. Je vais à Bali au mois de mars. Cordialement