Made, le sixième fils de la famille du Bucu, était sur le point de mourir. Il fit alors une promesse aux Dieux : s’ils le guérissaient, il sacrifierait un porc lors d’une cérémonie religieuse. Six mois de maladie, puis la guérison. Deux années plus tard, Made a tenu sa promesse. La cérémonie guérison Bali a eu lieu aujourd’hui, le lundi 27 décembre 2010. J’ai eu l’immense privilège d’y assister.
La maladie de Made et la promesse tenue
D’après ce qu’on m’a raconté (et ce que j’ai compris de nos conversations en anglais basique), Made souffrait d’une très sévère rétention d’eau, peut-être liée à un problème de rein. On m’a décrit qu’il était gonflé de partout, avait beaucoup de fièvre, et ne pouvait plus se lever de son lit. Toute la famille a eu très peur pour lui. Sa guérison fut un véritable soulagement pour tous.
Les hommes se sont levés dès trois heures du matin pour sacrifier le cochon. Quand je me suis levée, l’animal rôtissait déjà sur le terrain familial. L’atmosphère était solennelle, mais pas rigide pour autant. En effet, les Balinais, en toute situation, trouvent toujours une touche d’humour. Cette préparation est une étape importante de la cérémonie guérison Bali, symbolisant le respect et la gratitude.
Les préparatifs et l’habillage traditionnel
Les préparatifs pour la cérémonie ont débuté à quinze heures. Ils ont nettoyé et orné le temple. Ils ont aussi installé les gamelans, ces instruments traditionnels. La veille déjà, les filles de la famille avaient répété les danses tout l’après-midi, montrant leur dévouement. À dix-sept heures, Putu est venue me préparer. Elle m’a habillée d’un sarung, d’un chemisier en dentelle, et de la ceinture assortie. L’ensemble s’appelle un « cambon ». J’ai eu quelques difficultés à nouer le sarung, elle a donc décidé de me mettre un corset. C’était une solution très pratique !
Elle est ensuite allée se préparer, ainsi que ses enfants. J’ai attendu qu’elle revienne me chercher. J’ai attendu, attendu… un quart d’heure, une demi-heure, trois quarts d’heure, une heure, une heure et demie ! Ne tenant plus (je mourais de faim), je l’ai rejointe sous la pluie chez elle, au Pacha. C’est le « Balitime », on prend le temps !
Belle comme un cœur, apprêtée comme jamais je n’aurais pu l’imaginer, elle a annoncé le ton de la soirée au temple. Nous avons ensuite attendu que la pluie cesse. J’ai eu le temps de manger un Nasi Goreng aux légumes, comme d’habitude. J’ai aussi fait au moins dix parties de « Trois petits chats » avec Erin ! C’était un bon moment.
La cérémonie au temple : prières et offrandes
La nuit était tombée. Nous sommes finalement parties avec nos parapluies pour rejoindre le reste de la famille. Nous sommes arrivées pile au bon moment. Trois minutes après notre arrivée, la cérémonie a commencé dans le temple, bondé et multicolore. L’ambiance était incroyable.
Le père de la famille (trois générations cohabitent sous le même toit) est prêtre hindou. C’est lui et ses pairs qui ont introduit la cérémonie. Ils ont exécuté des danses et des chants traditionnels, accompagnés par les gamelans. Ensuite, les femmes de la famille ont suivi, y compris et surtout les « vieilles » (ceci n’est absolument pas péjoratif). Tout le village était présent. Cependant, la famille du Bucu (je devrai leur demander leur nom de famille un jour !) était véritablement l’initiatrice de la cérémonie. Leur foi était palpable.


La première partie a duré environ une demi-heure. Chacun a refait son passage deux fois. Puis, nous sommes tous entrés dans la partie réservée aux prières collectives. C’est là que sont déposées toutes les offrandes des familles. On prépare des fruits dans des paniers, du riz, des poulets frits, puis on les dépose au temple pour « bénédiction ». Après la cérémonie, on repart avec chez soi. J’ai eu beaucoup de chance d’y aller avec Putu. En plus de connaître tout le monde, elle est une femme au fort caractère. Elle n’hésite pas à se servir la première et à réserver les meilleures places où qu’elle se trouve. Et tout le monde la laisse faire ! Nous nous sommes donc assises au premier rang, à même le sol mouillé, et les prières ont commencé. Le prêtre a récité des paroles sacrées (ne m’en demandez pas plus), et des clochettes ont retenti. Là, tout le monde s’est tu pendant trente secondes à une minute. Les clochettes ont retenti à nouveau, et chacun s’est mis des fleurs sur le visage. Encore des clochettes, puis des fleurs derrière les oreilles. Encore des clochettes, même opération. Ensuite, un prêtre est passé entre la foule. Il a proposé du riz que les croyants ont pris et se sont collés sur le front (j’en ai eu aussi !). Dans le silence, moi, observatrice privilégiée (je ne suis pas hindoue), j’ai été prise d’une chaleur puissante qui a envahi tout mon corps. C’était plus que du bien-être, c’était l’Énergie. Un moment hors du temps. Clochettes, silence, clochettes, et voilà, c’est terminé. On nous a alors invités à assister aux danses.
Danses traditionnelles : la grâce des jeunes Balinaises
Made et Kade sont deux petites filles qui vivent avec moi au Bucu. Elles sont jumelles. Kade est timide, introvertie, douce et « jeune ». Made, quant à elle, est hyper vive d’esprit, toujours active, et n’a pas la langue dans sa poche. Elle impressionne du haut de ses huit ans et demi. C’est elle qui voudrait être une adulte pour réaliser tout ce que son esprit lui dicte, comme elle l’entend. C’est elle aussi qui m’a dit, la première fois que je lui parlais de la langue : « Of course, I speak English ! ». Je l’observe parfois depuis ma terrasse. Elle semble pensive, profonde… C’est une enfant qui me plaît, un « être de Lumière » comme j’aime à dire. Ces jeunes filles font la richesse de Bali.
Il y avait trois spectacles de danse ce soir-là. Kade et une autre petite fille, Made la belle et une autre petite fille aussi, puis deux autres grandes d’environ quinze ans. Fidèle à elle-même, Kade a fait son show de façon très appliquée, parfois hésitante mais précise. Elle était belle, comme tous ce soir-là. J’ai félicité intérieurement sa mémoire pour une chorégraphie si longue et difficile. Elle montrait un grand professionnalisme pour son âge.
Puis ce fut au tour de Made… Made… quelle femme ! Elle m’a comme hypnotisée, je ne voyais plus qu’elle. Elle a commencé à danser comme aurait pu le faire une célèbre geisha (je sais, c’est une culture différente) en son temps de gloire. Elle était gracieuse, assurée, précise, ample, et d’un sérieux déconcertant. Dans ce petit corps d’à peine trente kilos et d’un mètre vingt-cinq à tout casser, une énergie incroyable s’est propagée dans tout le temple. Elle a dansé quinze minutes sans la moindre erreur. Pendant quinze minutes, elle a capté les regards de tout le public présent. Elle nous a totalement transportés… ailleurs… Sa performance était un moment fort de cette cérémonie guérison Bali.
Les deux grandes ont, elles aussi, réussi leur performance. Rien d’exceptionnel, mais beaucoup de professionnalisme et de sincérité. C’était un beau spectacle dans son ensemble, montrant la richesse artistique balinaise.



Fin de cérémonie et moments de partage
Après le spectacle, les femmes sont allées récupérer leurs offrandes entreposées dans l’espace de prière. Les petits se sont mis aux gamelans, jouant avec enthousiasme, et les hommes fumaient en riant. C’était un moment de détente et de convivialité après la solennité des prières et des danses.
En retrait de la foule, derrière toutes les offrandes, j’ai aperçu une sorte de prière privée. J’y suis allée. C’était l’initiateur de la cérémonie, ses parents et le prêtre qui priaient et invoquaient devant l’animal sacrifié. On sentait beaucoup de gratitude dans tout ça. C’était une scène touchante et très personnelle.
Puis la pluie a cessé. Chacun est rentré chez soi. Moi, je suis plus reconnaissante que jamais d’avoir assisté à la cérémonie d’un miraculé. Cette journée restera gravée dans ma mémoire. Elle m’a offert un aperçu précieux de la spiritualité et de la culture balinaise, marquée par la bienveillance et le respect mutuel. C’est le genre d’expérience qui rend les voyages si enrichissants.
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Avez-vous déjà eu la chance d’assister à une cérémonie traditionnelle lors de vos voyages ? Partagez vos impressions et ce que vous en avez retiré en commentaire !
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