Vous avez sûrement vu ces vidéos impressionnantes circuler sur les réseaux sociaux (lien 1 ; lien 2) : des images de pelles mécaniques en action, réduisant en poussière des établissements entiers à Bali. Cette démolition Bingin Bali a fait grand bruit. Aujourd’hui, je vous propose d’aller au-delà des images pour comprendre ce qui s’est réellement passé. En recoupant les informations des différents articles de presse, voici une synthèse de la situation.
Bingin Beach : un joyau caché de la péninsule de Bukit
Avant de plonger au cœur des événements, rappelons pourquoi Bingin Beach est un lieu si apprécié. Située sur la péninsule de Bukit, au sud de Bali, cette plage se mérite. On y accède par un long escalier qui serpente le long d’une falaise calcaire, offrant une vue imprenable sur l’océan.
Bingin est particulièrement célèbre auprès des surfeurs pour sa vague tubulaire et rapide. L’ambiance y est décontractée et bohème, loin des foules d’autres spots plus connus. Le long de la plage, de nombreux warungs (restaurants locaux) et hébergements simples sont construits à même la falaise, offrant un cadre unique pour admirer les couchers de soleil légendaires. C’est ce cadre authentique et cette atmosphère si particulière qui ont fait le charme de Bingin.
La chronologie des derniers événements à Bingin
La situation que l’on connaît aujourd’hui s’est déroulée en plusieurs étapes :
- 6 mai 2025 : la Commission du Conseil législatif régional (DPRD) de la province de Bali effectue une inspection à Bingin ;
- 27 mai 2025 : la Satpol PP (police des agents de la fonction publique) convoque les propriétaires et gestionnaires pour une clarification sur la légalité de leurs activités ;
- 13 juin 2025 : la presse internationale se fait l’écho de la volonté des autorités balinaises de démolir plus de 40 hébergements illégaux ;
- 15 juillet 2025 : le régent de Badung émet un ordre de démolition officiel, après que trois avertissements écrits ont été envoyés ;
- 21 juillet 2025 : sous l’impulsion du gouverneur de Bali, Wayan Koster, et du régent de Badung, I Wayan Adi Arnawa, la démolition de 48 structures commence ;
- Depuis le 21 juillet 2025 : la démolition se poursuit, pour une durée estimée à un mois.




Les arguments des deux parties : les autorités, les propriétaires et les travailleurs
Cette affaire oppose les autorités balinaises aux propriétaires et aux travailleurs locaux, qui ont exprimé leur désaccord lors de la démolition.
La position des autorités :
- Illégalité et non-conformité : le gouverneur Koster affirme que les bâtiments sont illégaux, construits sans permis.
- Propriété du gouvernement : les constructions ont été érigées sur un terrain appartenant au gouvernement de Badung. Il s’agit d’une zone côtière protégée, une « zone verte » où la construction est interdite.
- Régulation du tourisme : cette action s’inscrit dans un effort plus large pour mettre fin au développement incontrôlé d’hébergements illégaux, souvent gérés par des étrangers.

La position des propriétaires et des travailleurs
- Ancienneté : certains établissements existaient depuis plus de 20 ans et des familles occupaient la zone depuis près de 40 ans ;
- Impact social et économique : la démolition affecte entre 250 et 300 employés locaux qui dépendent de ces structures pour leurs revenus ;
- Inégalité de traitement : ils se demandent pourquoi seule la plage de Bingin a été ciblée.




Un contexte plus large : entre tradition et spéculation
L’affaire de Bingin met en lumière une tension plus profonde à Bali. La plupart des bâtiments démolis n’avaient pas de titres fonciers formels mais s’appuyaient sur des accords communautaires traditionnels. Pour la communauté, ces constructions faisaient partie de leur histoire et de leurs moyens de subsistance depuis des générations.
Des observateurs et des locaux s’interrogent sur les motivations réelles de cette démolition soudaine. La théorie de l’accumulation par dépossession circule, suggérant que le terrain pourrait être libéré pour faire place à de nouveaux projets touristiques de luxe, comme des hôtels 5 ou 6 étoiles.
La communauté locale a d’ailleurs l’intention de poursuivre sa lutte en portant l’affaire devant les tribunaux. Le gouverneur Koster a promis de trouver une solution pour les travailleurs touchés, mais aucune mesure concrète n’a encore été annoncée.
Au-delà de Bingin : un cas emblématique de la nouvelle politique balinaise
Pour comprendre pleinement la situation, il faut la replacer dans le contexte plus large de Bali. La démolition à Bingin n’est pas un simple cas de non-conformité administrative, c’est une action qui s’aligne sur la nouvelle politique du gouvernement balinais.
Depuis quelque temps, le gouvernement cherche à réorienter son modèle touristique. L’objectif est de s’éloigner du tourisme de masse, souvent perçu comme la cause de la surpopulation, de la dégradation environnementale et du manque à gagner fiscal. La nouvelle stratégie favorise un tourisme de « qualité », c’est-à-dire axé sur des visiteurs à haut revenu qui séjournent dans des infrastructures haut de gamme.
Les actions menées à Bingin, tout comme les récentes mesures contre les étrangers travaillant illégalement, sont des manifestations de cette volonté de reprendre le contrôle de l’économie locale et de la réorienter. Le défi est de taille : comment transformer le modèle touristique sans délaisser les centaines de petits entrepreneurs et de travailleurs locaux qui ont fait la réputation de lieux comme Bingin ?
Un avenir incertain et un débat ouvert
Si la décision des autorités s’appuie sur la légalité et la protection des terres publiques, elle soulève d’importantes questions sur l’impact social et culturel de ces mesures. La démolition de Bingin est un rappel brutal que le développement de Bali ne se fait pas sans heurts.
L’avenir de cette plage, et d’autres lieux iconiques de l’île, est désormais incertain. Le « tourisme de qualité » promu par le gouvernement signifie-t-il la disparition progressive des petits commerces locaux au profit de complexes hôteliers de luxe ? La préservation de l’environnement passera-t-elle par la destruction de ce qui faisait l’authenticité de ces lieux ?
Et vous, que pensez-vous de ce choix politique ? Croyez-vous que ces mesures soient nécessaires pour protéger Bali à long terme, ou qu’elles menacent l’âme même de l’île ? Partagez vos réflexions et vos souvenirs de Bingin dans les commentaires.
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