
Selamat Pagi, Sore, Malam semua ! C’est Manon qui reprend la plume pour Balisolo. Aujourd’hui, je vous parle d’un sujet très local : les combats de coqs Bali ! On les connaît sous plusieurs noms : Gocekan en balinais, Tabuh Rah quand ils ont lieu au temple, et Sabung Ayam en indonésien. Officiellement interdits depuis 2005, ces duels passionnants sont pourtant autorisés quelques fois par an pour les grandes cérémonies religieuses. En réalité, on observe des dizaines de combats chaque jour. Cet article n’a pas vocation à lancer un débat sur la cause animale ; je suis d’ailleurs la première à la défendre. Cependant, il me semblait essentiel d’aborder ce sujet. Les combats de coqs font en effet partie intégrante de la culture balinaise. Vous croiserez souvent des coqs enfermés sur le bord des routes. Cela soulève des interrogations que je me propose d’éclaircir aujourd’hui. Je vais vous raconter ce que j’en sais, ai vu et entendu. Mes informations ne constituent pas une science exacte, mais elles vous donneront quelques clés de compréhension essentielles. J’ai pu saisir tout cela sans même me rendre à « l’arène » – non, je n’assiste pas aux combats ! Pour vivre dans une famille balinaise et côtoyer de près « ce monde d’hommes » (mon cher et tendre balinais élève des coqs et est un parieur invétéré), s’occuper des coqs est une tâche quotidienne qui exige beaucoup de temps et d’attention !
L’éducation des coqs de combat à Bali
Un combat de coqs ne consiste pas simplement à prendre un coq et à l’emmener au combat. Avant tout, il faut le mettre au monde ou l’acheter. Ensuite, on l’élève, puis on l’entraîne jusqu’à ce qu’il soit prêt. Dès l’enfance, les Balinais grandissent au contact des animaux : cochons, vaches et toutes sortes de volatiles. Nous voyons des poules, des poussins, des canards et d’autres coqs. Comme vous le savez sûrement, deux coqs dans une même basse-cour ne font pas bon ménage ! Dans les jardins des maisons balinaises traditionnelles, il est très courant de trouver des cages en osier. Des coqs y sont enfermés, gardés comme des trésors. Leur destin est déjà tout tracé : le combat. Les garçons et les hommes des familles en sont les gardiens. Les coqs sont littéralement les rois.
Le choix des géniteurs pour le futur coq de combat
Pour obtenir un coq de combat, tout commence avec un œuf ! Ainsi, l’intervention humaine est cruciale dans ce processus. Il faut choisir le père : un coq bien bâti, vainqueur de précédents combats, fera parfaitement l’affaire. Quant à la mère, on la sélectionne pour son instinct maternel très développé, une poule prête à se battre contre tout le poulailler pour défendre ses petits.
La petite enfance du coq combattant
Dès que le jeune poulet n’a plus besoin de sa mère bagarreuse pour se défendre, il est prêt à affronter la basse-cour en solo. On l’enferme alors dans une cage plusieurs heures par jour. On l’habitue ainsi à la vie en cage jusqu’à ses deux ou trois mois. Durant cette période, il jouit d’une certaine liberté. On lui donne de bons grains et des bains quasi quotidiens pour développer ses muscles. On le porte, on l’ausculte fréquemment et on le met en compétition avec d’autres jeunes poulets pour évaluer ses capacités. Il ne suffit pas d’avoir de bons gènes de gladiateur et une musculature appropriée pour être automatiquement destiné au combat. Chaque homme de la famille vient contrôler la future recrue et valide le volatile à plusieurs reprises. On doit notamment vérifier :
- L’envergure de ses ailes ;
- Ses plumes et sa queue, car cette dernière assure son équilibre. Lorsqu’un coq se bat, il saute et lance ses pattes en avant. Il est préférable d’avoir un bon équilibre pour ne pas tomber devant l’ennemi !
- La force des pattes et la grandeur de ses « doigts ». Chaque patte repose sur quatre doigts griffus. À l’arrière, une cinquième griffe, appelée ergot, est présente. Il est étrange de constater que leurs pattes ressemblent à celles des dinosaures : elles sont recouvertes d’écailles et se terminent par de grosses griffes.
- Son poids, évalué simplement en le tenant dans ses bras ;
- Sa crête, que l’on coupera ensuite pour la lui donner à manger (elle est pleine de vitamines, dit-on !). Il est donc très rare de voir un coq avec une crête à Bali !

L’entraînement intensif des coqs de combat
Une fois l’animal validé, on passe à l’étape suivante, qui peut durer des semaines, voire des mois. C’est un entraînement que l’on qualifiera d’intensif. Durant cette phase, l’animal est enfermé dans sa cage. On lui donne des grains spéciaux pour développer sa musculature et des vitamines, injectées ou sous forme de comprimés, pour le booster plus rapidement. On le douche ou le baigne quotidiennement afin de le stimuler. On le sort de sa cage pour le porter et le faire combattre avec des coqs de son gabarit. Et, chose qui m’a surprise la première fois, on suspend la cage à une branche d’arbre et on la fait balancer. Cette pratique développe l’équilibre du coq, qui ne doit pas tomber ! On répète tout cela jour après jour !
Les coqs sont véritablement traités comme des sportifs de haut niveau. Les parieurs misent parfois des mois de salaire sur eux lors du grand Jour ! D’ailleurs, passons à ce grand Jour, le jour de l’arène, de l’affrontement !
Le grand Jour : le combat des coqs
Quand on entre au cœur du spectacle, l’odeur des kretek (cigarettes balinaises au clou de girofle) nous enivre immédiatement. Une foule impressionnante d’individus est réunie dans la chaleur et la poussière. Tout le village semble présent, du plus petit au plus grand, de 7 à 77 ans comme on dit. Dans cet endroit à l’abri des regards indiscrets, tous les yeux sont tournés vers le « ring » à même la terre battue. Ils attendent le début des hostilités.
Le choix des combattants
Une dizaine d’hommes environ se tient à l’intérieur du carré de combat. Chaque homme porte un coq. Pendant de longues minutes, ils pèsent et détaillent les champions. Le but est de trouver des adversaires de même carrure. Cette phase est plutôt calme et secrète. La foule patiente gentiment et rassemble l’argent pour les futurs paris. Lorsque les coqs sont choisis, on attache à l’une de leurs pattes une lame de couteau, appelée taji, qui peut atteindre 10 à 12 cm. C’est une technique particulière : une sorte de ficelle rouge est enroulée autour de sa patte avec des mouvements très rapides et précis. Ce ne sont pas forcément les éleveurs et propriétaires des combattants qui se trouvent dans l’arène pour équiper les coqs et les préparer au combat. Les hommes en charge de cette fonction sont des manipulateurs avertis ; ils sont aussi là pour organiser et surveiller les animaux pendant l’affrontement.




L’ouverture des paris

Pendant la préparation, on sent l’atmosphère changer dans les gradins. Les parieurs veulent se faire entendre à coups de « Gasal, gasal, gasal ! ». Chacun cherche à se faire une place pour être au plus près de l’action. Ça se pousse, ça rigole, et un mélange de plaisir et de stress se lit sur les visages. Les paris vont bon train. Un ou deux hommes se tiennent dans l’arène et récoltent l’argent des paris, le tout sans calculatrice ni même papier pour noter. Ces hommes sont capables de retenir les paris de chacun, un vrai travail de mémoire !
Il est important de noter qu’il n’est pas possible de parier contre un coq appartenant à un membre de sa propre famille ; de véritables coalitions existent ! Étant très joueurs, les Balinais ne parient pas au hasard. Leur objectif n’est pas seulement de gagner de l’argent, mais aussi d’honorer et de respecter. La société balinaise est très codifiée, et pas uniquement par l’existence des castes. Il est tout aussi important de gagner pour doubler sa mise que pour affirmer sa position sociale et son estime. Évidemment, cela n’a aucune conséquence en dehors de l’arène. Ce
Un grand merci Manon pour ce mangifique reportage
Très beau reportage, très complet, qui explique bien comment se déroule cette tradition un peu particulière! J’avais entendu parler de cette pratique mais ne connaissais pas la moitié des détails! Vraiment impressionnant!
Merci Manon pour ce magnifique reportage, très bien écrit et très intéressant sur un sujet controversé! Il a l’énorme avantage de mieux faire comprendre cette pratique intimement liée à la culture balinaise.