Aujourd’hui, je vous présente de la poésie traditionnelle malaise sous un livre de 242 pages paru en 1996, “Sonorités pour adoucir le souci”. L’auteur est anonyme mais ses oeuvres ont été traduites et anotés par Georges Voisset aux éditions par Gallimard
Parlons un peu poésie
La poésie malaise, c’est une vieille dame qui a vu passer les siècles – on en trouve des traces depuis le 14ème ! Elle porte en elle les voix de plus de 200 millions d’âmes, réparties dans des pays dynamiques comme l’Indonésie, la Malaisie, Singapour, Brunei et même la Thaïlande. Et pourtant, chez nous, en France, c’est le silence radio, une indifférence à couper le souffle.
Pourquoi ? Peut-être est-elle un peu trop « prise de tête » pour nos habitudes. Elle n’est pas purement orale, ce qui déçoit les ethnologues. Pas non plus une œuvre écrite figée, ce qui gêne les orientalistes. Oubliez l’épique ou le mythique pour les profs, et le lyrisme personnel pour les lecteurs de poésie « classiques ».
Non, la poésie malaise, elle est autre chose : elle observe la nature avec une précision folle, commente les humains avec malice, se perd dans des romances incroyables, bavarde sans fin, jongle avec les coutumes et le conformisme, mais s’aventure aussi dans le mystique et le magique avec audace. En bref, elle ne rentre dans aucune de nos petites cases. À moins qu’on ne fasse l’effort de se souvenir de ce qu’elle est, ou d’anticiper ce qu’elle pourrait nous apporter.
Le pantun
Le pantun est le type de poésie malaise le plus connu et emblématique. C’est une forme poétique traditionnelle, un quatrain avec des rimes croisées (ABAB), où les deux premiers vers (le « sampiran ») évoquent souvent la nature ou des observations sans lien direct apparent avec le sens, tandis que les deux derniers vers (le « maksud ») portent le message principal, souvent sur l’amour, la sagesse ou la morale. Le lien entre les deux parties est souvent subtil, créé par l’allusion, l’analogie ou le son.
Voici un exemple classique de pantun, très connu et souvent cité, qui illustre bien sa structure et sa subtilité :
Sudah gaharu, cendana pula,
Sudah tahu, bertanya pula.
Ce qui signifie en français :
Déjà l’aloès, le santal encore,
Déjà il sait, et il demande encore.
En voici un autre, également très célèbre, qui joue sur l’observation de la nature pour délivrer une petite leçon de vie :
Buah cempedak di luar pagar,
Ambil galah tolong jolokkan.
Saya budak baru belajar,
Kalau salah tolong tunjukkan.
Ce qui signifie en français :
Les fruits du cempedak sont hors de la clôture,
Prends une perche, s’il te plaît, pour les faire tomber.
Je suis un enfant qui vient d’apprendre,
Si je me trompe, s’il te plaît, montre-moi.
Ce second pantun est un classique, souvent utilisé pour exprimer l’humilité et la volonté d’apprendre. Les deux premiers vers plantent un décor simple et concret : des fruits de cempedak (un cousin du jaquier) inaccessibles derrière une clôture, et la demande d’aide pour les atteindre. C’est l’image d’un obstacle simple, surmontable avec un peu d’aide. Ensuite, les deux derniers vers font le pont avec une jolie métaphore : « Je suis un enfant qui vient d’apprendre, si je me trompe, s’il te plaît, montre-moi. » C’est une manière charmante et respectueuse de dire : « Je suis novice, je peux faire des erreurs, alors s’il te plaît, sois mon guide et corrige-moi. » C’est une invitation à la bienveillance et à la transmission du savoir, emballée dans une observation du quotidien. Ça montre à quel point les Malaisiens savaient manier la finesse !
Le pantun reconnu par l’UNESCO
Le pantun est tellement emblématique de la poésie malaise que l’UNESCO l’a inscrit en 2020 sur la « Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité ».
Où trouver le livre « Sonorités pour adoucir le souci »
Vous pouvez le trouvez sur commande chez votre libraire ou bien en ligne neuf ici.
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